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Pierre Establet - Réflexions et projection

L’Histoire pour continuer de la vivre

8 Décembre 2020 , Rédigé par Pierre Establet

Revenons 3 siècles en arrière. 1848, 3ème révolution Française. 1870, première guerre contre la Prusse. 1871, la Commune. Pendant ce temps une immense révolution économique se met en œuvre : la révolution industrielle, née en 1840, d’une mère ferroviaire et d’un père commerçant.

Une réforme qui laisse sur le carreau des artisans, des agriculteurs, mais aussi qui privilégie déjà l’essor économique au détriment de la mixité sociale, de l’environnement et qui préfigure les excès à venir. Une guerre qui détruit durablement un continent, laisse assez d’amertume pour engendrer 50 ans de conflits. Une révolution bourgeoise, qui oublie que le peuple a faim. Une révolte qui tourne au désastre, mais engendre une prise de conscience collective, sociale, humaniste. Au-delà des évolutions républicaines, la force de cette période aura été de créer le terreau d’une pris en compte des aspirations citoyennes, la construction d’une gauche progressiste, intellectuelle mais incarnée dans la vie quotidienne des prolétaires.

1898, de retour d’un périple en Allemagne et en Russie, Lucien Herr, Bibliothécaire à l’École Normale Supérieure, rue l’Ulm, alerte les décideurs, penseurs, syndicalistes, d’un double risque : la bascule Bismarckienne vers un nationalisme dangereux en Allemagne et de l’émergence du Bolchevisme totalitaire en Russie. Que ne l’a-t-on pas écouté.

Il forme cependant les prémices d’une Gauche progressiste non inféodée au future diktat Bolchevique. Cette Gauche, de Jaurès à Clémenceau, de Péguy à Blum, de Zola à Louise Michel, fondent une conscience collective, qui prend à bras le corps les combats sociaux et démocratiques. Cette gauche agira pour la défense du Capitaine Dreyfus, mais aussi, et ce fut le combat de Louise Michel, contre la peine de mort, combat mené à bien en 1981 par Robert Badinter. Elle structurera le futur Front Populaire et toutes les avancées sociales dont nous bénéficions encore : congés payés, réduction du temps de travail, conventions collectives, salaire minimum, sécurité sociale, retraites, droit à l’avortement, droit à la contraception.

Néanmoins, l’histoire ne s’écrit pas dans ce cortège de béatitudes. 19 millions de morts en Europe entre 1914 et 1918. 90 millions de morts dans le monde, entre 1939 et 1945, pour une guerre que tous pouvaient prévoir et, donc, éviter. De cette guerre, dont nous aurions pu et dû espérer une sérénité internationale, est sorti une période totalement fracassée. Certes l’Europe bénéficiait des 30 Glorieuses.

Cependant, la décolonisation, la guerre froide (froide en URSS et aux États Unis, mais pas en Corée ou au Vietnam), la montée du libéralisme, les purges staliniennes, maoïstes, Khmers, font sans doute le double de mort que ce que la « Grande Guerre » a connu. Et cela sous les yeux aveugles de TOUS nos dirigeants. Sans doute avec le cynisme, la compromission, les espoirs de puissance, les rivalités, les trahisons, moteurs des ambitions, qui, toutes ont été déçues.

Le Monde d’aujourd’hui est-il plus stable ? Daesh, Talibans, Ouigour, Réfugiés, milliers de morts en Afrique, famine, guerres entre Sunnites et Chiites, forment le quotidien de nos médias. Meurent sous nos yeux des centaines de millions de victimes innocentes. Trump, Poutine, Erdogan, Bolsonaro.

Depuis 30 ans, la Reproduction, chère à Pierre Bourdieu, évolue : aux Élites européennes, qui se reproduisent entre eux, se répartissent les richesse le pouvoir, l’intelligentsia, se substitue une nouvelle Elite, internationale. Les travaux de Thomas Piketty et de la plupart des sociologues sérieux sont sans concession. S’il émerge une catégorie identiquement aussi riche dans tous les pays du Monde, les écarts entre les pauvres et les riches n’ont jamais été aussi larges. Un gouffre. 2 % de la population mondiale détient 98 % des richesses, du pouvoir et des moyens d’expression.

Les écarts se creusent, en termes de richesse, mais aussi d’espérance de vie, d’accès à la nourriture, à l’eau, à la culture, à l’éducation, à la santé, et même à la démocratie. Jamais le Monde n’a été aussi riche. Jamais il n’y eut autant d’exclus.

Et nous n’en tirons aucune leçon. Pourtant, les récentes crises devraient nous alerter : la montée du fondamentalisme religieux, le repli communautaire, les attentats, les crises sociales, financières sanitaires qui se suivent, de plus en plus fréquentes, ne sont pas des signaux faibles ! Quelle leçon a-t-on tirée de l’explosion de Tchernobyl ? Quelle leçon a-t-on tirée des épisodes des farines animales ? De la crise de 2018 ? Quelle leçon a-t-on tirée du fiasco politique de 2002, en France ? Des Gilets jaunes ? Aucune.

La pandémie Covid est de notre responsabilité collective, tant dans son émergence que dans l’incapacité à la juguler. Parce que les décisions mondiales ne se coordonnent pas. Parce que les intérêts individuels prennent le pas sur la conscience collective. Sommes-nous à ce point aveugles ?

Il faut le croire, quand on voit que, malgré toutes les alertes scientifiques, malgré tous les signaux qui démontrent le bouleversement climatique, malgré les prises de conscience individuelle des intellectuels et les coups de gueule fracassants de certains, le choix de privilégier une économie sur carbonée est toujours le choix qui guide nos sociétés et nos décideurs.

Alors, qui va écrire l’Histoire dans 20 ou 30 ans ? Quelle sera la dernière génération sacrifiée ? Celle de nos enfants, ou celle des leurs ?

Pourtant, les 3 derniers siècles ont démontré à l’échelle internationale, que, malgré les énormes crises, guerres et bouleversements, l’Humanité avait su construire des outils communs, de faire évoluer les systèmes sociaux, de privilégier la laïcité, l’éducation, la santé, la recherche, la culture. En moins de 50 ans, tous ces efforts sont battus en brèche. Comme un barrage qui s’effondre, et libère des milliards de mètres cubes d’eau et ravage tout sur son passage. 50 ans, alors que jamais l’accès à l’information a été aussi facile. 50 ans, où les systèmes de répartition équitable de la nourriture et de l’eau sont faciles à mettre en œuvre. 5O ans pour partager équitablement les richesses, répartir celles-ci pour que chacun puisse s’aménager sa vie, là où il est, pour ce qu’il veut en faire. 50 ans au cours desquels on aurait pu anticiper la crise climatique et la juguler.

 

 

50 années perdues dans des luttes d’autant plus vaines que le juge de paix sera le climat. Et qu’aussi riche soit-on, personne ne résistera pas à 60°.

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État de Droit recroquevillé

5 Décembre 2020 , Rédigé par Pierre Establet

 

Les évolutions récentes du Droit, initiées après les attentats de 2015 en France, sous l’impulsion de Manuel Valls, renchéries par l’arrivée du quatuor (à vent) Macron/Philippe/Castaner/Darmanin lors de la révolte des Gilets Jaunes, puis des épisodes Covid, ont porté clairement notre démocratie à la porte, extérieure, de l’État de Droit.

Voulons-en pour preuve qu’un avocat pénaliste de renom, devenu Ministre de la Justice, prompte à dégainer dès lors qu’une atteinte, fût-elle mineure, au Droit de la défense, torde ce droit-là par Ordonnance, c’est à dire sans consultation du Parlement, soulevant la toute-puissance de l’exécutif face aux deux autres pouvoirs, garants de la 5ème République. Heureusement retoquée par l’un d’entre eux.

Dernier avatar en date, après l’évacuation scandaleuse, illégale et inutile d’exilés de la Place de la république  si mal nommée en l'occurence, couplée à la volonté aveugle du nouveau Ministre de l’Intérieur, dont la morale personnelle et la sincérité de sa loyauté sont sujettes à caution, tente de bâillonner le 4ème pouvoir : la presse, en privilégiant « ceux qui nous protègent » à « ceux qui ont besoin d’être protégés », y compris par « ceux qui nous protègent ».

Cette Loi sur la sécurité globale est en fin de compte une Loi sur l’insécurité totale. Que serait devenu ce producteur massacré par 3 policiers si cette Loi était entrée en vigueur ?

Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment a-t-on pu sacrifier le volet « Libertés », publique et privée, au volet répression ? Sous les coups de boutoirs des terroristes ? Sous la pression d’une extrême-droite ? Mais alors, où est la force de notre République ? Où est sa résistance, si elle cède et renonce devant les combats ? Qu’est devenue la résilience qui aura permis aux Français de garder la tête haute en 1945 ?

De façon anecdotique, un honnête artisan, élagueur déclaré, équipé d’une longue nacelle avec son adresse indiquée dessus et qui travaillait juste à côté, est venu au secours de notre perroquet, enfuit la veille, après une nuit à moins 2 degrés. Pour arriver au magnifique pin parasol où le Ara avait trouvé refuge, il a été « pisté » par un couple de Gendarmes, qui l’ont traité, devant les habitants médusés, de « représentant des gens du voyage » à la recherche d’un forfait à commettre.

Ils lui ont fait perdre 2 heures, alors que l’intervention avait pris 10 minutes, pour demander ses papiers, sa carte professionnelle, son autorisation de stationnement sur la voie publique (alors que le camion était garé dans une propriété privée), sa carte d’identité, sa carte grise, son attestation d’assurance, véhicule et professionnelle, vérifier mon immatriculation, mon certificat de sortie, l’assurance de ma voiture, le contrôle technique et affiché... Tout était en ordre, ce qui n’a pas empêché la même patrouille de revenir 10 minutes plus tard, soulevant l’indignation des habitants.

La République est menacée de l’intérieure, parce qu’elle a sombré dans les mains d’idéologues approximatifs, qui connaissent de la Laïcité que le volet combat, alors que la base de la laïcité est la tolérance et le respect de la croyance des autres et dans celles des partisans de la répression totale – totalitaire ? – au détriment du respect des libertés fondamentales, pilier de notre démocratie et de notre Constitution. Relisons donc la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme !

Enfin, faire nation, c’est faire la place au plus faible. C’est surtout donner le plus de place aux libertés publiques et les garantir, quoiqu’il en coûte.

C’est bien de cela qu’il s’agit : se préoccuper des plus faibles, ouvrir portes et fenêtres pour laisser respirer notre civilisation. Cette crise sanitaire est la démonstration sur laquelle le monde politique, si tant est qu’il existe encore une acception sociétale de ce mot, devrait concevoir toute son action.

Protéger, garantir les droits humains, libérer les esprits, favoriser l’enseignement citoyen à la préparation à la sélection, répartir les richesses, laisser les idées profuser et perfuser. Chercher de nouvelles exigences collectives, de nouveaux droits. Pas se replier, se recroqueviller, comme une tortue romaine derrière de futiles et inutiles boucliers. Aucune civilisation n’a tenu en privilégiant des intérêts protectionnistes à l’ouverture, aucune société n’a survécu en taillant dans les libertés publiques. Aucune idéologie n’a réussi à résister à la pression des opinions. Encore moins aujourd’hui qu’auparavant.

Il reste encore des « bastions » idéologiques répressifs qui espèrent s’en sortir, en Russie, au Brésil, en Chine, à Hong Kong, en Turquie, en Hongrie. Combien de temps tiendront-ils ? Exit Trump en 4 ans.

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