Communication en situation de crises : sortir de la crise pour reconstruire
En 1999, après la catastrophe dans le tunnel du Mont-Blanc, sous l’impulsion de Pierre Dumontet, de Jocelyne Fouassier, de Sandrine Gourlet et de Bernard Candiard, l’Etat décide de prendre à bras le corps la communication publique en situation de crise.
Nous sortions alors des catastrophes de communication publique sur le nuage de Tchernobyl, supposé s'être arrêté aux Alpes, et sur l'affaire du sang contaminé, au moment où la médiatisation se faisait prégnante. Cela posait de sérieuses questions sur la parole publique.
La volonté "politique" qui en est sortie, n’a pas été portée par des dimensions politiciennes, mais par la volonté de rendre service aux citoyens, de prévenir des crises, et de sortir de celles qui surviennent par une attitude prospective, afin d’établir de quoi mieux gérer les suivantes et d’imaginer des solutions.
Recruté comme Chef du service presse au Ministère de la Transition Ecologique (qui a changé de nombreuses fois de dénominations), je suis immédiatement confronté aux inondations dans l’Aude (qui font 12 morts), au naufrage de l’Erika, aux tempêtes de décembre 1999 (36 morts), au crash du Concorde à Gonesse, au naufrage du Ievoli Sun, à l’explosion d’AZF. Au Bugg de l’an 2000, que je passe avec le "Colonel Moutarde" au 17èmeétage de l’Arche de la Défense.
Nous décidons de mettre en place des outils de veille, de communication immédiate à la fois pour informer et pour garantir la qualité de cette information. Nous avions imaginé un dispositif pour éviter les actuelles « fake news » et de garantir une information sérieuse, partagée et vraie.
Nous mettons - une petite équipe de 6 personnes - en place un système d’alerte avec Météo France, des outils de communication par fax (et oui : ca date) et par mail, avec les Préfectures, les journalistes, les responsables élus, associatifs, les porteurs d’enjeux, les décideurs privés locaux. Nous avions décidé de jouer la carte de la transparence.
Et, cela a très bien fonctionné : des inondations dans l’Aude et des tempêtes de 1999, Météo France a conçu un système d’alerte qui a diminué l’impact de ces évènements climatiques sur les populations ; du naufrage de l’Erika - le premier de nos outils s’appelait « Fax Erika » -est sorti une nouvelle règlementation européenne sur les navires transportant des carburants ; Des victimes de l’incendie dans le Tunnel du Mont-Blanc est sorti une refonte complète de la doctrine en matière de conception de ces ouvrages.
En revanche, que dire des accidents industriels ? Quelles leçons ont été tirées d’AZF à Toulouse, quant on voit ce qu’il vient de se passer à Rouen ? Une communication publique balbutiante, un report de responsabilité d’un acteur à l’autre. Une fuite en avant, et la peur qui se réinstalle, à l’instar des crises sanitaires. La perte de confiance dans les institutions publiques.
Comme nous vivons aujourd’hui à l’heure des réseaux sociaux et de l’immédiateté et de l’universalité du partage de l’information, les effets des crises mal gérées sont délétères sur la confiance que les citoyens ont en la parole des institutions.
C’est cela qu’il faut reconstruire : redonner une parole publique crédible à la communication en situation de crise.
Cela ne passe pas par le détournement, sans doute illégal, des bornages des téléphones portables, mais par une implication encore plus intense des responsables de la sécurité publique dans la communication et la gestion des crises. Il faut nous appuyer sur les collectivités locales, les associer, les investir, les aider, pour former, alerter et assurer et rassurer les citoyens, et par gérer les situations de crises, sans rechercher le sensationnel : faire le job.
Les crises vont s’accroitre, à la fois par la médiatisation immédiate que les réseaux sociaux en font ; et d’autre part par la réalité des faits : notre société évolue vers le conflit. Changement climatique, changement économique, migrations de refuge, crises alimentaires, d’eau, d’énergie, logement, déplacements, consommation, …
Seules la proximité et la reconstruction de la confiance seront les gages de gérer ces situations de crises. A nous de nous réapproprier les outils pour réussir.